samedi 1 mars 2008

BLANC


Donc je suis allé le mois dernier voir cette pièce, Blanc, d'Emmanuelle Marie, mise en scène par Zabou de manière assez extraordinaire. En effet c'est bien la pièce la plus cinématique que j'ai vu cette année (je parle de la saison 2007/2008). On sent bien que le petit monde du cinéma a investi le théâtre, ses codes transparaissent (musique et générique, en introduction et conclusion). Et puis Isabelle Carré est toujours aussi juste, et Léa Drucker que je ne connaissais pas (ben oui je sors peu que voulez-vous) y est formidable de tonus, de vie. J'étais à l'étage du THV, donc une vue plongeante sur le décors ingénieux de la scène, mis en lumière admirablement. Bref que du bonheur, même si l'histoire est un brin tristounette.
Une critique qui en dit long...

L'ombre et la lumière

DE PHILIPPE TESSON



Blanc participe de ce théâtre de l'intime dont le public est très friand aujourd'hui, où les choses sont dites elliptiquement, voire non dites, où la parole est retenue, comme oppressée par l'abondance, la richesse, la force des sentiments. Duras n'avait pas sa pareille dans ce registre, qui exige une âme et une plume particulièrement sensibles. Emmanuelle Marie n'est pas en reste. Sa psychologie est fine et son écriture exercée, un rien affectée, c'est le seul reproche qu'on lui adressera.
Son oeuvre est belle et douloureuse. Deux soeurs, jeunes encore, se retrouvent dans la maison de leur enfance où leur mère s'apprête à mourir. Dans la cuisine voisine de la chambre où celle-ci agonise, elles s'affairent, comme pour tromper la mort, à des tâches domestiques insignifiantes tout en poursuivant un dialogue décousu. Pêle-mêle, tantôt dans l'agressivité, tantôt dans la tendresse, souvent dans la nostalgie, s'y mêlent les souvenirs de leur vie passée, bonheurs, blessures, rancunes, et l'évocation de leur vie présente, soucis, joies et problèmes, et ce dialogue est comme un va-et-vient entre la banalité de la vie et la présence toute proche de la mort. Entre la terre et le ciel. Entre la lumière et l'ombre. Le lecteur devine ce que cette tension peut avoir de pathétique et de douloureux.
Quelque chose fait que la réelle émotion que dégage ce beau spectacle n'atteint pas son comble. Sans doute attend-on, tant il vrai que nous sacralisons la mort, que ce texte écorché soit chuchoté et joué dans une pénombre. Or Zabou Breitman a eu l'idée extrêmement originale, audacieuse même, d'inonder le spectacle de lumière, donc de vie, et d'une certaine façon, de joie. Ce qui peut déconcerter certains spectateurs, nous l'avons fortement apprécié. Cette prairie fleurie et ensoleillée, ces draps immaculés - comme un écho au titre de la pièce - qui pendent sur le devant de la scène et entre lesquels jouent, comme des enfants, les deux actrices, ajoutent au texte un sens, une légèreté, une liberté inattendus. Il est vrai que cette animation est parfois envahissante. Mais quoi, fallait-il réduire le spectacle à une lecture ? Mettre en scène, c'est bien donner vie à un texte. Et jamais Zabou Breitman ne trahit celui-ci.
Pour l'incarner, et jamais le mot n'a été plus juste, elle a choisi Isabelle Carré et Léa Drucker. Deux actrices superbes. Chez l'une et chez l'autre le même appétit de vie, la même lumière dans l'âme et sur le visage. Un moment de grâce.

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